2021 : Le réseau «Matu» est en place

Les analyses très précises qui sont réalisées deux fois par semaine dans chaque secteur viticole de la Champagne.
Depuis une semaine, des prélèvements sont réalisés dans les vignes et étudiés pour pouvoir prévoir la meilleure date de début des vendanges.

Le compte à rebours est lancé. Les viticulteurs champenois abordent la dernière ligne droite avant la récolte. Une récolte qui fera date sans aucun doute, à plusieurs titres, mais le principal sera certainement le très faible rendement. « Mon père n’a jamais vu cela en trente ans ! » s’émeut d’ailleurs Émilien Lamoureux, du champagne Lamoureux-Vincent.

Après le gel, les maladies et la météo ont donné beaucoup de fil à retordre aux vignerons et anéanti l’espoir de satisfaire au rendement de l’appellation, soit 10 000 kg par hectare fixé en juillet. « On pense plutôt à 3 000 kg, mais c’est très hétérogène » , consent Pascal Morel. « Année en 1, année de rien ! » , renchérissent fatalistes autour de lui plusieurs autres vignerons des Riceys.

Un bon poids moyen mais une situation sanitaire préocupante

Ce jeudi matin, ces derniers sont réunis pour les prélèvements du réseau « Matu ». « Matu » comme maturation des raisins, une surveillance étroite opérée juste avant la vendange afin de déterminer avec précision le moment propice quand le raisin sera mûr et donc la date de début de récolte.
Ce réseau est actif en Champagne depuis 1987 à l’initiative des vignerons eux-mêmes, sous couvert de l’Association viticole champenoise et du comité Champagne. Les volontaires s’y investissent ainsi que les correspondants de l’Association viticole champenoise. Aux Riceys, le groupe est bien rodé et se retrouve chaque lundi et jeudi matin chez Ludovic Soilly.

Les données confrontées

Prélevés sur treize parcelles différentes, les raisins sont observés, pesés, pressés et les jus analysés. Toutes les données sont consignées et transmises au niveau champenois. Jeudi dernier, le poids moyen des grappes était encourageant : 123 g. Le degré moyen de 7,83º et l’acidité à un taux de 15,35. « On note des foyers de pourriture qui varient de 1 à 5 sur une dizaine de grappes », confie Ludovic Soilly « mais ce qui nous inquiète, c’est le taux d’humidité ambiant relevé sur les stations météorologiques. Dans ces conditions, la pourriture pourrait reprendre de plus belle. Il nous faudrait de la chaleur et du vent. »
Les données du groupe sont comparées aussitôt avec celles de la maison Alexandre Bonnet et de la cave coopérative Marquis de Pomereuil. Elles se rejoignent plutôt. « Il y a vraiment une grosse hétérogénéité par secteur » , insiste Didier Mélé, du champagne Bonnet, qui souligne que les chardonnays ne sont pas du tout sur ces chiffres, et bien loin d’être mûrs ; ce qui risque de compliquer encore l’organisation de travail des équipes de vendangeurs.

« La grandeur de la Champagne est de se construire dans ces périodes difficiles.
C’est collectivement que nous nous en sortirons »

Laurent Panigai

Les visages des viticulteurs sont assez sombres. La vendange, comme l’année culturale, s’annonce difficile. Venu leur rendre visite et s’enquérir des résultats du prélèvement du jour, le nouveau directeur du Syndicat général des vignerons de Champagne, Laurent Panigai, se veut plus optimiste. Il veut leur donner de l’espoir et les inciter à relativiser. « Si l’année en 1 est une année de rien, l’année en 2 sera une année de mieux », débute-t-il avec le sourire, rappelant son attachement au réseau « Matu ».

Plus sérieusement, il poursuit : « Il faut prendre du recul et se tourner d’ores et déjà vers 2022. Le plus important est d’avoir déjà préservé le potentiel pour l’année prochaine ; on peut le voir sur le feuillage et les rameaux. On a également la chance d’avoir du stock en Champagne avec de beaux millésimes, un commerce qui se porte bien, et une réserve pour les viticulteurs. » Le directeur évoque les pratiques d’assemblage pour les vins de Champagne qui vont tout de même permettre d’élaborer avec cette vendange.

« La qualité technique est encore atteignable » observe-t-il avant de délivrer subtilement un autre message : « Il y a des années où il faut traiter la vigne et ce n’est pas être irrespectueux envers la nature ! » Après avoir évoqué le recrutement de main-d’œuvre, il affirme que « la grandeur de la Champagne est de se construire dans ces périodes difficiles. C’est collectivement que nous nous en sortirons . »

En fin de semaine, fortes de nouveaux résultats de prélèvement, les instances champenoises vont pouvoir établir la liste des dates de début de vendange. Ensuite, le vigneron décidera en fonction de ses propres parcelles la bonne heure pour mettre les vendangettes en action.

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